Cet article porte sur l'application du principe 4 du modèle de Toyota dans le secteur de la construction.
Cet article est le quatrième épisode de notre série explorant les 14 principes de Toyota et les appliquant au secteur de la construction.
Ces principes ont été identifiés et développés dans le livre « Le modèle Toyota » de Jeffrey Liker. Le 4ème principe est le suivant : Lisser la charge de travail
Présentation du principe
L’objectif du lissage de la charge de travail est d’avoir un processus stable et prévisible. Sans cette analyse, les ressources (humaines et matérielles) risquent d’être surutilisées, ce qui peut mener à :
- La création de goulots d’étranglement (activité qui reçoit plus de travail que ce qu’elle peut traiter et qui bloque l’avancement des autres tâches).
- Une baisse imprévue de la productivité.
- Des retards et décalages de planning/jalons.
- Des coûts plus élevés (heures supplémentaires, ressources supplémentaires pour débloquer les goulots, …).
- Des problèmes de qualité (la rapidité d’exécution est privilégiée au détriment de la qualité).
- Des problèmes de sécurité (les compagnons sont fatigués et ont plus de risques de se blesser).
- Un manque de main d’œuvre (les compagnons fatigués peuvent décider de quitter le projet).
Les ressources peuvent également être sous utilisées, ce qui entraine des coûts inutiles pour le projet. Une optimisation des ressources permet de prévoir le nombre de compagnons nécessaires sur le chantier à chaque étape et d’avoir le matériel requis en bonne quantité et au bon moment.
Les défis du secteur de la construction
Voici les défis qui complexifient l’application de ce principe pour les entreprises du secteur :
- Peu de standards : la formalisation des processus n’est pas une habitude dans la plupart des entreprises du secteur. Les tâches peuvent donc être réalisées différemment d’un chef de chantier à l’autre, requérir du matériel différent… Cela entraîne une variabilité dans la production, qu’il est difficile à prévoir dans la planification.
- Chantiers variables et complexes : d’un chantier à l’autre, une même tâche peut nécessiter plus ou moins de temps ou de main d’œuvre (aléas, nature du site, méthodes à employer, …). Le lissage de la production peut donc être difficile à planifier.
- Impact des aléas : un chantier fait souvent face à des imprévus (météo, découvertes lors d’excavations, …) qui peuvent compliquer la planification des activités et l’utilisation des ressources.
- Main d’œuvre spécialisée et rare : le personnel du secteur de la construction est souvent spécialisé dans une activité (maçonnerie, soudure, …), sa flexibilité est donc limitée. La transition des compagnons d’une tâche à une autre en fonction de l’activité, levier employé dans l’industrie pour maximiser l’efficacité des ressources disponibles, n’est pas toujours possible sur les chantiers.
- Interdépendance entre les tâches et entre les parties prenantes : sur un chantier, les activités sont liées entre elles. Si une activité prend du retard, le planning des autres activités est décalé. De même, les retards d’un sous-traitant ou d’un fournisseur impactent le planning et la répartition des ressources des autres acteurs. Cela peut mener à des pics ou des creux d’activité. En effet, avec une main d’œuvre peu flexible, il est difficile d’adapter la répartition et l’utilisation des ressources du jour au lendemain.
- Délais du contrat à respecter : sur les projets de BTP, il est impératif de respecter les délais contractuels et les jalons fixés par le client. Le lissage de la production n’est pas la priorité. Parfois, cela implique d’employer plus de ressources afin de respecter un jalon projet, même si une meilleure répartition aurait pu réduire les coûts totaux.
L’application du principe au secteur de la construction
Malgré ces défis, ce principe reste pertinent dans le secteur du BTP. Voici quelques conseils pour l’appliquer :
- Etudier les spécificités du projet : en amont du projet, il est important d’analyser les contraintes, les spécificités du site et les attentes du client afin de planifier au mieux les activités. Cette compréhension permettra d’avoir un planning réaliste et de minimiser la variabilité des activités.
- Réaliser un séquençage détaillé des activités : la planification détaillée des activités par un séquençage permet de coordonner les activités entre elles, d’anticiper les dépendances entre les tâches et les acteurs et les besoins en ressources à chaque étape du projet.
- Standardiser les processus : la standardisation des processus permet de réduire la variabilité dans la réalisation des activités et de maîtriser la gestion des ressources. Dans le BTP, une conduite du changement doit être menée pour former les équipes à la formalisation des processus.
- Développer la polyvalence des équipes : former les compagnons aux standards et à l’exécution des différentes tâches requises permettrait de développer un levier de lissage de la charge.
- Communiquer et collaborer de façon efficace et transparente : tous les acteurs doivent être impliqués dans la planification des activités et communiquer quotidiennement sur les avancées ou éventuels problèmes rencontrés. Les activités sont alors mieux organisées et leur organisation peut être adaptée de manière proactive.
Conclusion
En résumé, l’application du quatrième principe du système de production Toyota consiste, pour les entreprises du secteur de la construction, à développer 6 thématiques essentielles :
- Une étude minutieuse des contraintes et spécificités du projet
- Un séquençage des activités
- Une standardisation des processus
- Une optimisation quotidienne des ressources
- Un travail de développement des compétences des compagnons
- Une communication transparente et régulière entre les parties prenantes
Retrouvez les articles sur la mise en place des trois premiers principes du modèle Toyota au secteur de la construction sur les liens ci-dessous :