Cet article porte sur l'application du principe 7 du modèle de Toyota dans le secteur de la construction.
Cet article est le 7ème épisode de notre série explorant les 14 principes de Toyota et les appliquant au secteur de la construction.
Ces principes ont été identifiés et développés dans le livre « Le modèle Toyota » de Jeffrey Liker.
Le 7ème principe est le suivant : Utiliser le contrôle visuel afin d’aider les individus dans la prise de décision et la résolution de problèmes.
Présentation du principe
Ce principe souligne l’importance de rendre visuelles les informations liées aux processus de production. Ces informations doivent être accessibles, c’est-à-dire visibles, rapides et simples à comprendre par tous. Cette méthode de management permet d’impliquer les équipes dans le suivi de la performance et la résolution des problèmes, et ainsi de les responsabiliser.
Voici quelques exemples de management visuel souvent utilisés dans l’industrie :
- Tableaux de bord de suivi de performance : ces tableaux affichent des indicateurs variés concernant une ligne de production (nombre de produits réalisés, nombres de produits restants à réaliser dans la journée, temps d’arrêt, …).
- Tableaux de suivi de la qualité : les indicateurs qualité peuvent être suivis séparément afin d’informer et de responsabiliser les équipes (le nombre de défauts, les rebuts, le taux de non-conformité, …).
- Tableaux kanban : ces tableaux permettent de visualiser le nombre de pièces nécessaires à l’étape suivante dans la ligne de production, assurant ainsi la production de la bonne quantité au bon moment.
- Panneaux de sécurité : ces affichages peuvent servir à rappeler les gestes de sécurité, les bonnes pratiques et les informations à connaître en cas de problème.
- Poka Yoke : cette technique permet d’éviter les erreurs humaines grâce à un système visuel (par exemple, les formes préétablies dans une caisse à outils obligent l’utilisateur à ranger chaque outil au bon endroit).
- Panneau de suivi des besoins de préparation à la production : cet affichage permet de rappeler les activités et le matériel nécessaire à la bonne réalisation du plan de production de la période à venir (semaine/jour/mois).
Le management visuel aide à identifier et résoudre les problèmes. Il permet de :
- Visualiser les données clés : les informations sont affichées en temps réel et mises à jour régulièrement.
- Détecter les anomalies : les écarts par rapport aux standards sont identifiables rapidement grâce au format visuel.
- Partager l’information : les données sont accessibles à tous, facilitant ainsi la communication, la compréhension et la collaboration dans la résolution des problèmes.
- Prioriser les problèmes : les problèmes sont plus facilement identifiables et peuvent être affichés au même endroit. En fonction de leur impact estimé, les principaux doivent être traités en priorité.
- Suivre les progrès : les données actualisées permettent de suivre l’évolution de la situation et de mesurer les impacts des actions entreprises.
Les défis du secteur de la construction
Voici les défis qui complexifient l’application de ce principe pour les entreprises du secteur :
- Environnement de travail dynamique et changeant : beaucoup de données doivent être prises en compte dans le suivi d’un chantier. Ces données peuvent varier d’un jour à l’autre (horaires de livraisons, affectation équipe/zone, …). De plus, certaines informations peuvent changer rapidement (modifications des plans, changement de main d’œuvre, …). Ces caractéristiques impliquent un besoin de mise à jour constante des panneaux d’affichage, nécessitant beaucoup de temps et de rigueur.
- Travail en extérieur : les équipes sur le chantier travaillent dehors. Les panneaux devant être accessibles à tous, il est conseillé de les mettre à proximité des compagnons. Leur mise en place efficace requiert donc l’espace nécessaire pour être affichés et une résistance aux conditions météorologique.
- Resistance au changement : ce type de management visuel, bien que très utilisé dans l’industrie, n’est pas largement adopté dans le secteur du BTP. Il est essentiel de ne pas imposer ces outils aux équipes, mais plutôt de réussir à les convaincre de leurs avantages. Cela nécessite un véritable travail de management du changement, d’accompagnement.
- Coût initial non négligeable : dans l’article sur l’application du principe 1 du TPS au secteur de la construction, nous avons vu que dans un environnement d’appels d’offre, il est primordial de limiter les coûts des projets. La mise en place des panneaux requiert du temps et un investissement en matériel, notamment pour les panneaux, ce qui peut décourager le management.
- Multitude de parties prenantes : les projets de construction impliquent un nombre important de fournisseurs et de sous-traitants. La coordination entre ces acteurs pour mettre en place un système de management visuel est essentielle mais peut être difficile, chacun opérant selon ses propres méthodes de management.
L’application du principe au secteur de la construction
Malgré ces défis, ce principe reste pertinent dans le secteur du BTP.
En effet, le management visuel permet d’augmenter l’efficacité du chantier en termes de :
- Gestion des stocks
- Amélioration de la sécurité
- Suivi de la productivité
- Résolution de problèmes
Voici quelques conseils pour l’appliquer :
- Identifier et adapter les panneaux aux besoins spécifiques du chantier : pour que le management visuel soit efficace, il doit être adapté aux besoins de chaque chantier. Cela passe par l’analyse du chantier (le type de projet, les contraintes du site, les contraintes opérationnelles, les habitudes de travail de l’équipe, …) et l’identification des objectifs spécifiques du projet. Par exemple, il est fréquent que selon les équipes changent de zone de travail sur le chantier au fil des mois. La localisation des panneaux doit donc pouvoir varier constamment, ce qui peut nécessiter la mise en place de panneaux roulants. Si ces aspects organisationnels ne sont pas pris en compte, cela peut entraîner une diminution de la qualité des rituels, voire leur interruption complète.
- Identifier et adapter les méthodes appropriées : après cette analyse, le management visuel peut s’adapter au chantier en mettant en place les outils appropriés (tableaux kanban, briefing de début de poste, signalisation de sécurité, suivi du stock…).
- Utiliser la règle 1-3-10 : cette règle permet de vérifier la qualité des supports visuels. En effet, ces supports doivent permettre à chacun de déterminer en 1 seconde s’il y a un problème, en 3 secondes d’identifier où est le problème et en 10 secondes d’identifier les actions à réaliser. Si le visuel ne répond pas à ces règles, il doit être amélioré.
- Tester les panneaux sur une zone spécifique : il est intéressant d’identifier une zone pilote pour expérimenter ces outils avant de les déployer sur tout le chantier. En choisissant des activités représentatives du chantier et en mobilisant une équipe motivée, la démarche a plus de chance d’être un succès. Cette phase permet d’identifier des axes d’amélioration, facilement applicables à une zone limitée, améliorant l’efficacité de la démarche sur le reste du chantier.
- Impliquer les parties prenantes : dans l’article sur le principe 3 du TPS nous avons développé la nécessité de coordonner le travail des parties prenantes. Dans la mise en place de management visuel, il est important de prendre en compte les différentes parties prenantes et d’encourager une forte collaboration. Chacun doit être impliqué dans l’identification des informations à partager, dans la mise à jour et l’animation des panneaux.
- Former les équipes : la formation est essentielle pour assurer une compréhension de la démarche, des outils et leur utilisation efficace. Les bénéfices du management visuel doivent être mis en avant concernant notamment la productivité, l’organisation, la sécurité et la collaboration. Il est important de prendre en compte le retour des participants sur l’efficacité de la formation pour l’améliorer pour le déploiement général.
- Définir clairement les rôles et responsabilités : enfin, les rôles et responsabilités de chacun doivent être clairs et formalisés. Chaque acteur doit comprendre son rôle dans la mise en place et le suivi du management visuel (formation, approvisionnement du matériel, mise à jour des informations, animation, …).
- L’identification des besoins du chantier
- Le choix des méthodes appropriées
- Les tests sur des zones spécifiques
- L’implication des parties prenantes du projet
- La formation des équipes
- La définition des rôles et responsabilités
Conclusion
En résumé, l’application du 7ème principe du système de production Toyota peut être facilitée par 6 actions essentielles :
Retrouvez les articles sur la mise en place des six premiers principes du modèle Toyota dans le secteur de la construction sur les liens ci-dessous :