Cet article porte sur l'application des principes 9 et 10 du modèle de Toyota dans le secteur de la construction.
Cet article est le 9ème épisode de notre série explorant les 14 principes de Toyota et les appliquant au secteur de la construction.
Ces principes ont été identifiés et développés dans le livre « Le modèle Toyota » de Jeffrey Liker.
Les 9ème et 10ème principes sont les suivants :
- Former des individus et des équipes exceptionnels qui appliquent la philosophie de l’entreprise.
- Former des responsables qui connaissent parfaitement le travail, vivent la philosophie et l’enseignent aux équipes.
Présentation du principe
Un des sujets majeurs mis en avant par Jeffrey Liker dans le livre « Le modèle Toyota » est la formation et le développement des individus au sein de l’entreprise. Il explique que chez Toyota, ce sont les leaders qui transmettent la culture de l’entreprise à leurs équipes à travers leur comportement exemplaire et leur coaching afin de garantir l’efficacité des équipes et leur adhésion à la philosophie de l’entreprise.
Pour cela, les managers doivent donc être compétents et exemplaires. C’est-à-dire :
- Être compétents techniquement : les managers doivent parfaitement comprendre le travail de leur équipe sur le terrain et y avoir passé du temps. Ils doivent pouvoir résoudre les problèmes et accompagner leurs équipes dans leur montée en compétences.
- Agir selon la philosophie de l’entreprise : les managers doivent démontrer par leurs actions qu’ils respectent les valeurs de l’entreprise pour inspirer leurs équipes et ainsi transmettre la vision de l’entreprise. Jeffrey Liker donne l’exemple du chief engineer en charge du modèle de voiture Sienna, devant s’assurer que le modèle répond aux besoins des clients. Il s’est rendu aux Etats-Unis, au Canada, au Mexique pour rencontrer les clients de Toyota et les concessionnaires, et ainsi comprendre les préférences locales. Il a alors découvert des besoins spécifiques, comme l’utilisation importante des porte-gobelets par les conducteurs américains, ce qui a permis de répondre à ce besoin de manière appropriée. Chez Toyota, répondre aux besoins des clients est primordial, c’est ce que montre le manager à ses équipes dans son quotidien. Il inspire ses équipes à suivre les mêmes standards de qualité et la philosophie de l’entreprise.
Avoir des leaders exemplaires est un prérequis pour avoir des équipes compétentes et alignées sur les objectifs de l’entreprise. Les managers doivent également former leurs équipes, par :
- Le partage de compétences techniques : dès leur arrivée chez Toyota, les nouveaux arrivants sont formés et confrontés à une série de défis pour appliquer et développer leurs compétences.
- L’apprentissage des méthodes de résolution de problèmes : les équipes apprennent à identifier, analyser et résoudre les problèmes de manière proactive.
En plus de la formation, le développement des équipes passe par :
- Un système de mentoring : des mentors accompagnent les équipes dans leur montée en compétences, avec un suivi régulier (trois ou quatre entretiens par an), et la mise en place d’un plan d’action pour développer de nouvelles compétences.
- Une responsabilisation des équipes : les nouveaux arrivants travaillent directement sur des problèmes concrets et réels de l’entreprise.
Les défis du secteur de la construction
Bien que ces principes soient bien ancrés dans l’industrie, leur mise en œuvre dans le secteur de la construction présente des défis spécifiques :
- Des entreprises en mode projet : dans le secteur de la construction, les équipes travaillent au sein de projets. Chaque chantier est unique et de durée variable (de quelques mois à quelques années). Cela pose trois défis dans la mise en place de ces principes :
- Former des managers dotés d’une expertise technique approfondie est difficile. En effet, les managers travaillent sur des projets variés tout au long de leur carrière, ce qui complique l’acquisition d’une expertise spécialisée.
- Lorsqu’un chantier est terminé, les équipes changent de projets en fonction des opportunités. Les individus ne sont pas rattachés à un manager défini. Il est donc plus difficile de suivre leur évolution au sein de l’entreprise, même avec un système de mentorat.
- Enfin, les équipes travaillent avec les personnes affectées à ce chantier (compagnons, directeur de projet, équipes des sous-traitants, etc.). Il peut être plus difficile pour elles de s’identifier à l’entreprise plutôt qu’au projet sur lequel elles travaillent au quotidien, et de s’approprier les valeurs de l’entreprise (surtout sur certains projets de travaux publics qui durent plusieurs années).
- Une variabilité des projets : les chantiers étant très différents les uns des autres, il est difficile de formaliser des formations pertinentes pour toutes les équipes. De plus, investir dans le développement des compétences, en sachant que les équipes travailleront sur des chantiers différents dans les mois à venir, peut sembler inefficace.
- Un fort turnover : dans ce secteur, la main-d’œuvre compagnons change fréquemment, surtout pour la population intérimaire, ce qui peut rendre l’investissement dans la formation des équipes moins pertinent. De plus, les employés sont moins enclins à donner de l’importance et à respecter les valeurs de l’entreprise, puisqu’ils peuvent en changer facilement.
- Pression temporelle et budgétaire : comme mentionné dans l’article 3, le respect du planning prévu et du budget est un enjeu majeur des chantiers, les retards étant très coûteux. Même si le développement de compétences permet de gagner en productivité sur le long terme, il est difficile de le faire accepter sur le chantier, la formation prenant du temps, pendant lequel le chantier n’avance pas.
- Absence de standards : comme développé dans l’article 5, les standards ne sont pas développés dans ce secteur. Les processus n’étant pas standardisés, il est difficile de former les équipes aux meilleures méthodes existantes. De plus, concevoir des formations cohérentes et efficaces est alors plus difficile.
L’application du principe au secteur de la construction
Malgré ces défis, ces principes restent pertinents dans le secteur du BTP. Voici quelques conseils pour les appliquer:
- Un système de coaching : mettre en place un système de coaching par des managers volontaires permet de faciliter le développement des compétences des équipes, en particulier des nouveaux arrivants. Ce coaching peut passer par des entretiens trimestriels avec le compagnon, son management opérationnel pour suivre l’évolution de chaque membre de l’équipe. Lors de ces points, la définition d’un plan d’action permet d’assurer un développement de compétences continu. Le coaching peut également passer par des observations sur le terrain, qui permettent d’évaluer la progression du compagnon. Ce système permet à la fois d’améliorer les compétences des équipes mais également leur motivation et leur engagement vis-à-vis de l’entreprise.
- La standardisation des processus : la standardisation des processus permettrait de faciliter la formation des équipes. En effet, les formations pourraient être conçues et structurées plus efficacement sur la base de processus existants. Les équipes bénéficieraient de programmes de formation basés sur les meilleures pratiques, les rendant plus productives.
- Encourager la formation au sein des projets : bien que la formation puisse s’appuyer sur une école de travaux définissant un socle commun de compétences, il est essentiel de proposer des formations plus spécialisées pour les projets de longue durée ou les activités spécifiques. Ces formations, d’une durée de quelques jours à deux semaines, permettent aux équipes de se familiariser avec les aspects techniques qu’elles devront gérer tout au long du projet. Cet investissement est crucial pour assurer la réussite des projets.
- La résolution de problèmes : lorsqu’un problème survient sur le chantier, il est essentiel de le traiter pour éviter qu’il ne se reproduise. Impliquer les équipes dans ce processus, par l’identification, l’analyse et la résolution du problème, renforcerait leur expertise et leur motivation et permettrait de développer leurs compétences en résolution de problèmes. Ces techniques pourront être réutilisées sur ce chantier ou sur les prochains où chaque membre de l’équipe sera déployé.
- Une communication des valeurs de l’entreprise : pour que les équipes comprennent et appliquent la philosophie de l’entreprise, il est essentiel de leur communiquer ces valeurs de manière claire et régulière. Cela pourrait se faire par différents moyens :
- Des affichages sur le lieu de travail
- Des séminaires réguliers
- Des évènements d’accueil pour les nouveaux arrivants
- L’intégration des valeurs dans les formations, même techniques
- La création de relations solides avec les sous-traitants : même sur une période limitée, les sous-traitants représentent l’entreprise. Il faut donc qu’ils adhèrent à la philosophie de l’entreprise. Cela peut passer par l’intégration des équipes sous-traitantes aux formations internes liées au projet. De plus, leur participation active aux initiatives d’amélioration continue renforcerait leur implication et leur alignement avec les objectifs de l’entreprise.
Conclusion
En résumé, l’application des 9ème et 10ème principes du système de production Toyota consiste, pour les entreprises du secteur de la construction, à développer 6 thématiques essentielles :
- Mettre en place un système de coaching
- Standardiser les processus
- Former par la pratique de l’amélioration continue
- Mettre en place des formations spécifiques au projet
- Communiquer les valeurs de l’entreprise
- Etablir des relation solides avec les sous-traitants
Retrouvez les articles sur la mise en place des 8 premiers principes du modèle Toyota dans le secteur de la construction sur les liens ci-dessous :